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L’utilisation des judas électroniques en copropriété : est-ce légal ?

Le développement des nouvelles technologies de vidéosurveillance n’épargne pas les copropriétés : qu’il s’agisse de l’utilisation des caméras embarquées au sein des parkings communs, des drones pour constater des infractions, mais aussi des judas électroniques.

Les deux premiers dispositifs ayant déjà fait l’objet d’une analyse par notre équipe, nous avons donc souhaité vous expliquer le régime juridique applicable concernant les œilletons numériques.
 

À l’instar de nombreux sujets relatifs aux nouveaux outils numériques, aucun cadre juridique défini ne s’applique à ces dispositifs.

Ce constat se voit renforcer par plusieurs raisons, textuelle, d’une part, et jurisprudentielle, d’autre part.

En premier lieu, l’article 2 du RGPD prévoit que le règlement n’a pas vocation à s’appliquer au traitement de données à caractère personnel effectué « par une personne physique dans le cadre d’une activité strictement personnelle ou domestique » (c), art. 2 ; CJUE, 11 décembre 2019, aff. C-708/18).

Dès lors, les systèmes de vidéosurveillance installés au sein d’un lot privatif – tel est le cas d’un œillet installé sur la porte d'un appartement – ne sont pas assujettis à cette réglementation. Le Conseil d’État abonde en ce sens considérant que « le seul fait de capter les images au moyen d'une caméra et de les visionner en temps réel sans procéder à un enregistrement ne relève pas des dispositions de la loi « informatique et libertés » (CE, 24 mai 2011, avis n° 385.125).

La CNIL va corroborer cette analyse, dans une lettre du 23 juillet 2018, en distinguant les lieux ouverts au public (soumis à la réglementation) de ceux non ouverts au public. Concrètement, le règlement européen s'applique exclusivement si le dispositif filme un lieu accessible à toute personne, tel qu’un hall d’entrée avec porte sans digicode ou interphone, ce qui devient très rare.

En second lieu, et surtout, le juge judiciaire va se saisir de la question. Indirectement d’abord, au travers d’un arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2011 (n° 10-16.967), à propos d’un recours d’un Syndicat dirigé contre l’installation par un copropriétaire sur son lot privatif d’une caméra dans une pièce de son habitation orientée sur les parties communes et d’un détecteur de présence implanté sur le mur d’enceinte de sa propriété.

La Cour de cassation va rejeter le recours du Syndicat au motif que :

« L’atteinte au respect dû à l'image d'une personne n'est constituée que si cette personne est identifiable et si sa représentation est rendue publique ; que les données recueillies par le système de vidéosurveillance (…), dont l'usage est limité à la seule surveillance des lieux où il est installé, sans être rendues publiques (…) ne constituent pas un trouble manifestement illicite en ce qu'elles ne portent pas atteinte au respect dû à l'image de ceux qui sont susceptibles d’être filmés ».

 En outre, et cette fois-ci de manière directe, la Cour d’appel de Paris va appliquer cette solution, dans un arrêt du 12 février 2021 (n° 20/01428) à propos des judas électroniques, considérant que :

  • L’installation d’un œilleton électronique, en lieu et place du judas optique, au sein de la porte d’un appartement constitue une installation dans une partie privative, qui n’exige donc aucune autorisation ou notification du copropriétaire concerné au Syndicat et au Syndic.

  • Son utilisation s’avère parfaitement conforme au respect de la vie privée des autres copropriétaires, tant que l’outil se borne à retranscrire l’aperçu des parties communes, à l'instar d’un judas optique ordinaire, sans possibilité de capter ou enregistrer des images et/ou vidéos.

Ainsi, il ressort de ce raisonnement qu’aucune action ne pourra être engagée pour obtenir la suppression de ce genre de dispositif, sauf s’il est possible de démontrer qu’un système d’enregistrement est connecté à l’œillet, preuve très difficile à rapporter en pratique dans la mesure où le système serait installé au sein du lot privatif.

La seule exception, en l’état du droit, tiendrait à une infraction pénale commise par un copropriétaire (prétendument détenteur de cette technologie) qui permettrait au juge judiciaire, au cours de son enquête, de mandater une visite domiciliaire aux fins de constatation (art. 226-1, Code pénal).

Enfin, concernant une éventuelle action judicaire du Syndicat il convient de rappeler que la Cour de cassation a pu considérer, dans son arrêt du 11 mai 2011 précité, que ce dernier n’est pas recevable à agir pour le compte d’un ou plusieurs copropriétaires souhaitant contester le système de vidéosurveillance d’un lot dans la mesure où cette action ne vise pas à sauvegarder l’intérêt collectif des copropriétaires :

« Alors qu’un syndicat de copropriétaires ne peut agir en justice qu'en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble lorsqu'il a été porté atteinte à l'intérêt collectif des copropriétaires ; que le préjudice est collectif lorsqu'il prend sa source dans les parties communes et qu'il affecte les parties privatives d'un ou plusieurs lots ; que la vie privée de certains copropriétaires ne saurait constituer l'intérêt collectif que le syndicat des copropriétaires a qualité à défendre en justice ». 

 

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