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À quelle date un modificatif du règlement de copropriété ou de l’état descriptif de division doit recevoir application ?

Après avoir analysé la date d’opposabilité de la vente d’un lot de copropriété, à partir de laquelle le vendeur n’est plus redevable des charges, il convient d’examiner un autre sujet pratique : la date d’opposabilité aux copropriétaires d’un modificatif du règlement de copropriété ou de l’état descriptif de division. 

1) Quelle différence juridique entre l’état descriptif de division et le règlement de copropriété ?

L’état descriptif de division (EDD) est un document destiné à identifier la division précise d’un ensemble immobilier, soumis au statut de la copropriété, entre les parties privatives et les quotes-parts des parties communes. Ce dernier doit également identifier l’immeuble auquel il s’applique et attribuer une numération à chaque lot (art. 71-1, décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955). En pratique, il est le plus souvent adossé en première partie du règlement de copropriété (RCP).

Toutefois, la séparation de l'acte global entre, d’une part, l’état descriptif de division et, d’autre part, le règlement de copropriété ne procède que d'une exigence formelle visant à répondre à une obligation légale de clarté :

« Le règlement de copropriété peut également comporter : 1° L’état descriptif de division de l’immeuble» 
(Art. 2, décret n° 67-223 du 17 mars 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965).

« Si le règlement de copropriété comprend un état descriptif de division et les conventions visées à l'article 2 ci-dessus, il doit être rédigé de manière à éviter toute confusion entre ses différentes parties et les clauses particulières au règlement de copropriété doivent se distinguer nettement des autres. »
(Art. 3, al. 2, décret précité).

Ainsi, à l’instar de tout acte contractuel, ce fichier produit des effets juridiques à destination des copropriétaires, à compter d’une date spécifique.

2) À quelle date appliquer un modificatif approuvé : au lendemain de l’Assemblée générale portant approbation du modificatif, après la notification du procès-verbal ou à la date de publication au registre foncier ?

En première lecture, il semblerait que la date d’opposabilité soit fixée au jour de sa publication au registre foncier.

En effet, conformément à l’article 13 de la Loi du 10 juillet 1965, le règlement de copropriété et ses modificatifs ne « sont opposables aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires qu’à dater de leur publication au fichier immobilier ».

En outre, lors de la vente d’un lot, l’acte notarié doit expressément mentionner que l’acquéreur a eu connaissance de l’état descriptif de division ainsi que tous ses modificatifs « lorsqu’ils existent et ont été publiés » (art. 4, al. 2, décret du 17 mars 1967).

Ainsi, à la lecture croisée de ces dispositions, il apparaît qu’à défaut de publication, le modificatif de l’état descriptif de division (ou du règlement de copropriété) est réputé ne pas exister et, par voie de conséquence, ne pas produire d’effets juridiques.  

Toutefois, cette interprétation littérale est juridiquement erronée, au regard de l’apport jurisprudentiel en la matière.

En effet, la Cour de cassation a précisé une distinction d’opposabilité entre les ayants cause des copropriétaires et les copropriétaires eux-mêmes :

  • S’agissant des ayants cause, les Tribunaux distinguent deux sous-catégories : l’ayant cause à titre universel (l’héritier du copropriétaire) et l’ayant cause à titre particulier (locataire ou futur acquéreur). Dans les deux cas, la même règle s’applique, savoir que l’état descriptif de division ne produira des effets juridiques qu’à la condition qu’il a été publié au registre foncier de la situation de l’immeuble
    (v. l’arrêt le plus récent en la matière : 3e, 12 oct. 2023, n° 22-17.918).

  • Concernant les copropriétaires, la règle a été assouplie par la jurisprudence. En effet, partant du principe que ces derniers ont eu connaissance du contenu du modificatif par leur présence à l’Assemblée générale (ou la notification de son procès-verbal), le document est réputé être de facto opposable, sans qu’il soit nécessairement publié au registre foncier.

Pour cause, le juge judiciaire considère, à droit constant, que l’article 13 de la Loi de 1965 « n’a entendu régler les effets de la publicité du règlement de copropriété et de ses modifications qu'à l'égard des ayants cause à titre particulier des copropriétaires, mais n'a imposé aucune mesure de publicité pour rendre le règlement applicable aux copropriétaires concernés » (Civ. 3e, 23 juin 1976, n° 75-10.575 ; CA Paris, 26 mars 2009, n° 08/7638).

3) Mais alors, quelle date doit prendre en compte le Syndic ?

En pratique, la solution de la Cour de cassation s’avère ébauchée, puisqu’elle confirme que l’opposabilité aux copropriétaires n’est pas assujettie à la publication du modificatif de l’état descriptif de division et/ou du Règlement de copropriété au registre foncier, sans prendre le soin de préciser le terme exact à prendre en compte.  

En pratique, ce flou juridique peut conduire à des incertitudes (et litiges) pour les syndics. Prenons l’exemple classique de l’achat par un copropriétaire d’une surface de partie commune (WC, ancienne loge, morceau de couloir, etc.). La résolution sur ce point a fait l’objet d’un vote en bonne et due forme par l’Assemblée générale. Pourtant, ce dernier refuse de s’acquitter des charges relatives à ce nouveau lot créé par prélèvement sur les parties communes au motif que le modificatif à l’état descriptif de division n’a pas encore fait l’objet d’une publication.

Dans ce cas - aux fins de sécuriser vos procédures et d’éviter de recommencer le travail de révision dans vos logiciels métiers en cas de contestation judiciaire - nous vous invitons à prendre comme date d’opposabilité de la cession et donc de l’application de la modification de l’état descriptif de division, la date à laquelle l’Assemblée générale devient définitive, savoir deux mois suivant la notification de son procès-verbal (al. 2, art. 42, Loi du 10 juillet 1965).

Notre équipe d’experts reste naturellement à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches complexes..

Si ce papier a suscité votre intérêt, n’hésitez pas à nous faire un retour et à le diffuser.

 

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