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La vente d’un bien en copropriété : à quelle date le vendeur n’est plus redevable des charges de copropriété ?

La réponse à cette question semble, de prime abord, relativement simple.
A la date effective de la mutation du lot, authentifié par l’acte notarié de vente, le propriétaire vendeur ne serait plus redevable des charges.
Toutefois, la réponse s’avère en pratique plus complexe.

1) La notification de la vente au Syndicat des copropriétaires pour la lui rendre opposable.

La réponse à cette question, technique mais au demeurant extrêmement importante pour les vendeurs, se retrouve aux articles 6 à 6-3 du décret du 17 mars 1967.

En effet, l’article 6 dispose que :

« Tout transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot, toute constitution sur ces derniers d'un droit d'usufruit, de nue-propriété, d'usage ou d'habitation, tout transfert de l'un de ces droits est notifié, sans délai, au syndic, soit par les parties, soit par le notaire qui établit l'acte, soit par l'avocat qui a obtenu la décision judiciaire, acte ou décision qui, suivant le cas, réalise, atteste, constate ce transfert ou cette constitution. »

Il convient, tout d’abord, de rappeler que selon la jurisprudence rendue sur la base de ces textes, en cas de mutation d’un lot, c’est la notification qui marque le moment où l’acquéreur devient propriétaire tant vis-à-vis du Syndicat que vis-à-vis des autres copropriétaires (Cass. Civ. 3e., 21 juin 1995, n° 93-18.063).

L’opposabilité par l’acquéreur au Syndicat de sa qualité de copropriétaire ne dépend pas de la publication de son titre de propriété au fichier immobilier, mais de la notification de la mutation au syndic en application de l’article 6 du décret du 17 mars 1967 (Cass. Civ. 3e,6 nov. 1991, n° 90-11.602).

La notification doit être établie « sans délai » par le vendeur, son notaire (lors de la signature de l’acte de vente) ou son avocat (en cas de décision judiciaire) et doit intervenir par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou par télécopie avec récépissé (art. 64 du décret précité ; décret n°2007-285 du 1er mars 2007).

Il convient de respecter ce formalisme, dans la mesure où la Cour de cassation a adopté une interprétation stricte considérant que « même si le syndic a pu avoir connaissance personnelle de la mutation », cela ne vaut pas notification au sens de l’article 6 précité (Civ. 3e, 22 mai 1990, n° 88-16.191 ; CA Paris, 16 janvier 2003, n° 2002/12288).  

2) Quelles conséquences en cas d’absence de notification ?

Tant que la notification de cette vente n’a pas été effectuée, la vente n’est pas opposable au Syndicat (Cass. 3e civ., 22 mars 2000, n° 98-14.409).

En l’absence de notification, le vendeur reste à l’égard du syndicat le seul propriétaire du lot.

Suivant une solution constante de la Cour de cassation, c’est donc lui qui doit être convoqué aux Assemblées (Cass. Civ. 3e., 26 sept. 2007, n° 06-16.394) et c’est à son encontre que doivent être recouvrées les charges (Civ. 3e., 24 sept. 2008, n° 07-17.360).

3) Quelle date à prendre en compte pour l’arrêté des comptes entre le vendeur et l’acquéreur ?

En revanche, une fois la notification effectuée, quelle date prendre en compte pour fixer l’arrêté des comptes entre le copropriétaire vendeur et l’acquéreur : la date de la notification ou la date effective de la vente ?

À ce sujet, l’article 5-1 du décret du décret de 1967 dispose que :

« Pour l'application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée, il n'est tenu compte que des créances du syndicat effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation. »

Si l’on procède à une lecture littérale de ce texte, la date à prendre en compte pour « enregistrer comptablement » la vente est celle de l’acte de vente et non pas la date de sa notification au Syndicat des copropriétaires, celle-ci n’ayant que comme effet de lui rendre opposable ladite vente.

Cette interprétation entraînerait donc un effet rétroactif de l’exigibilité des charges pour l’acquéreur une fois la vente notifiée.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 23 mars 2022, rendu dans un cas où la notification de la vente avait eu lieu presque un an après celle-ci, a indiqué dans sa motivation :

« Par ailleurs, l’opposition ne peut être formée que pour des créances effectivement liquides et exigibles à la date de la mutation; il appartient au syndic de justifier de lexistence de sa créance, de son exigibilité et de sa liquidité à la date de la mutation; »
(CA Paris, 23 mars 2022, n° 20/09538).

Toutefois, cet arrêt ne mentionne pas, dans ses motifs, la date de notification de la mutation au Syndicat, très probablement car ce dernier avait arrêté le montant de son opposition à la date de la vente et non pas à la date de sa notification. Cette question n’était donc pas réellement l’enjeu de la décision.

En revanche, dans deux arrêts en date des 10 juillet 2008 (n° 07-03707) et 23 février 2009 (n° 08-00821), la Cour d’appel de Toulouse a indiqué :

« qu’en application des dispositions des articles 20 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et 5-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, le syndicat des copropriétaires est fondé à poursuivre contre l’exproprié le paiement de sa créance de charges de copropriété dès lors que celle-ci est effectivement liquide et exigible à la date de la mutation, sauf qu’en application de l’article 6 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, l’expropriant ne devient copropriétaire au regard du syndicat des copropriétaires qu’à compter de la notification de la mutation qui est faite à l’administrateur;

(…)

Que revêtent ces caractères de liquidité et d’exigibilité l’ensemble des provisions dont l’administrateur provisoire est fondé à exiger le paiement en cours d’exercice afin de faire face aux dépenses courantes dans les termes de l’article 35 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 échues avant la mutation et la notification qui lui en a été faite ;

Attendu qu’il suit de ces principes qu’en l’espèce où l’ordonnance d’expropriation datée du 2 octobre 2007 qui réalise le transfert de propriété, lui a été notifiée le 2 juin 2008 selon les pièces produites, l’administrateur est fondé à poursuivre contre les époux X [les vendeurs] les charges restantes dues telles qu’elles sont arrêtées après l’émission le 1er octobre 2007 de l’appel de provision de l’article 35 pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2007. »

Enfin, et surtout, dans un arrêt en date du 7 février 2019, la Cour de cassation a indiqué :

« Qu’en statuant ainsi, alors que la notification au syndic du transfert de propriété de fractions d’un lot divisé le rend opposable au syndicat des copropriétaires et donne ainsi aux acquéreurs la qualité de copropriétaires, tenus au paiement des charges de la copropriété à compter de la notification, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
(Civ. 3e, 7 février 2019, n° 17-31.101)

Ces trois décisions ont donc rejeté la lecture littérale de l’article 5-1 du décret du 17 mars 1967 et ont statué en cohérence avec la jurisprudence constante précitée qui indique que tant que la vente n’a pas été notifiée au Syndicat des copropriétaires, elle ne lui est pas opposable. 

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Par voie de conséquence, le copropriétaire-vendeur reste redevable des charges devenues exigibles entre la date de la vente et sa notification. La date à prendre en compte pour « enregistrer comptablement » la vente est donc celle de la notification de l’acte de vente au Syndicat et non pas la date de la vente en elle-même.

Il s’agit là indiscutablement d’une solution pragmatique et cohérente qui évite aux syndics un fardeau de gestion comptable supplémentaire.

icon loupeToutefois, plus ces deux dates sont éloignées et plus la situation risque de devenir conflictuelle entre le vendeur, l’acquéreur et le Syndicat.

Notamment en cas de vente par adjudication (saisie immobilière), en cas de notification tardive de la mutation au Syndicat des copropriétaires par l’avocat poursuivant, prendre en compte cette dernière date et non pas la date d’adjudication rend en pratique irrécouvrable les charges devenues exigibles entre temps. En effet, sauf exception, le copropriétaire ayant fait l’objet d’une procédure de saisie immobilière est insolvable.

Dans ces cas, la responsabilité du professionnel chargé de notifier la vente (notaire ou avocat) pourra clairement être engagée (TGI Paris, 29 oct. 1979 : JCP 1982. II. 19736).

Les copropriétaires vendeurs ont donc tout intérêt à vérifier l’effectivité de la notification de la vente dans les plus brefs délais après celle-ci.

Nous restons naturellement à votre disposition pour vous accompagner dans la sécurisation et la mise à jour de vos baux d’habitation ou commerciaux.

Si ce papier a suscité votre intérêt, n’hésitez pas à nous faire un retour et à le diffuser.

 

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