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Loi « Climat » et droit de surplomb du fonds voisin

La température grimpe avec les voisins – note d’information en partenariat avec Île de France Energies

La température grimpe avec les voisins

La réalisation de travaux d’isolation par l’extérieur (ITE) pour les bâtiments construits en limite de propriété nécessitait jusqu’à présent que la propriété voisine accepte expressément cet empiétement en surplomb, ce qui bloquait un nombre important de projets.

De ce fait, la Loi du 22 août 2021, dite loi « Climat & Résilience », comporte un article 172 qui instaure un droit de surplomb du fonds voisin de 35 cm au plus (CCH, art. L. 113-5-1).

Droit de surplomb – Le propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l’extérieur ne peut toutefois bénéficier de ce droit de surplomb du fonds voisin que si aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs.

Par ailleurs, l’ouvrage d’isolation par l’extérieur ne peut être réalisé qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur, du pied de l’héberge ou du sol, sauf accord des propriétaires des deux fonds sur une hauteur inférieure.

Une indemnité préalable est due au propriétaire du fonds surplombé.

Ses modalités de mise en œuvre sont constatées dans une convention qui doit prendre la forme d’un acte notarié ou par une décision de justice en cas d’absence d’accord, publié pour l’information des tiers au fichier immobilier (CCH, art. L. 113-5-1, I).

Obligation – Bien que la réalisation de travaux de rénovation énergétique ne constitue pas une obligation pour tous les propriétaires, certains sont tenus de réaliser ce type de travaux. Conformément au décret n° 2017-919 du 9 mai 2017, en cas de travaux de « ravalement importants », le propriétaire est dans l’obligation de mettre en œuvre une isolation thermique (CCH, art. R. 131-28-7, al. 1). Est considéré comme le remplacement d’un parement existant ou la mise en place d’un nouveau parement, concernant au moins 50% d’une paroi d’un bâtiment, hors ouverture (CCH, art. R. 131-28-7, al. 2[1]).

Droit d’accès temporaire à l’immeuble voisin et mise en place d’installations provisoires – Le droit de surplomb emporte le droit d’accéder temporairement à l’immeuble voisin et d’y mettre en place les installations provisoires strictement nécessaires à la réalisation des travaux. Le propriétaire de l’immeuble voisin peut être indemnisé à ce titre. Une convention définit les modalités de mise en œuvre de ce droit (CCH, art. L. 113-5-1, II).

Notification – Le propriétaire qui souhaite engager des travaux de rénovation doit respecter une procédure d’information à l’égard du propriétaire voisin. Avant tout commencement de travaux, il doit notifier au propriétaire du fonds voisin son intention de réaliser un ouvrage d’isolation en surplomb de son fonds et de bénéficier de ce droit d’accès.

Le propriétaire du bâtiment à rénover devra également indiquer, dans la convention avec le propriétaire du fonds voisin, les conditions de mise en œuvre d’une servitude de tour d’échelle (droit en vertu duquel un propriétaire peut passer sur la propriété voisine afin d’exécuter des travaux sur les immeubles).

Obligation d’information – Le décret n° 2022-926 du 23 juin 2022 relatif au droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur d’un bâtiment clarifie la procédure d’information du propriétaire voisin en précisant que cette dernière doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier et doit comporter les éléments suivants  :

« 1° Les noms, prénoms, adresses postales et électroniques et coordonnées téléphoniques du ou des propriétaires du bâtiment à isoler et, le cas échéant, ceux de son ou de ses représentants légaux ou statutaires ;

« 2° Un descriptif détaillé de l’ouvrage d’isolation thermique par l’extérieur, accompagné d’un plan des façades et, le cas échéant, des toitures modifiées par le projet, en faisant apparaître l’état initial et l’état futur ;

« 3° Les justificatifs démontrant qu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs ;

« 4° Une proposition relative au montant des indemnités préalables prévues aux I et II de l’article L. 113-5-1 ;

« 5° Le projet d’acte authentique prévu au I de l’article L. 113-5-1 ;

« 6° Le projet de la convention prévue au II de l’article L. 113-5-1 ;

« 7° Une reproduction des dispositions de l’article L. 113-5-1. »
(art. R. 113-19 du CCH).

Le texte ajoute également que cette obligation d’information pèse également sur le propriétaire qui souhaite réaliser des travaux même après la conclusion de l’acte puisqu’il est tenu de notifier au propriétaire du fonds à surplomber, « dès qu’il a fait son choix », les coordonnées complètes de la personne ou de l’entreprise appelée à intervenir ainsi que pour le numéro de police d’assurance (CCH, art. R. 113-24).

Opposition – Le propriétaire du fonds voisin peut, dans un délai de six mois à compter de cette notification :

  • S’opposer à l’exercice du droit de surplomb de son fonds pour un motif sérieux et légitime tenant à l’usage présent ou futur de sa propriété ou à la méconnaissance des conditions d’exercice de ce droit ;
  • S’opposer au droit d’accès à son fonds et à la mise en place d’installations provisoires si la destination, la consistance ou la jouissance de ce fonds en seraient affectées de manière durable ou excessive.

Il peut également, dans ce même délai, saisir le juge en fixation du montant de l’indemnité préalable prévue aux I ou II susvisés de l’article L.113-5-1 (CCH, art. L. 113-5-1, III).

Contenu – Le décret du 23 juin 2022 précise le contenu de la convention qui doit être conclue entre le propriétaire qui souhaite construire et le propriétaire du fonds voisin, savoir :

1) La localisation et le périmètre de l’accès au fonds à surplomber ainsi que la durée de cet accès ;

2) La nature des installations provisoires à mettre en place pour la réalisation des travaux d’isolation thermique par l’extérieur et les conditions de cette mise en place ;

3) Les mesures prévisionnelles de remise en état du fonds voisins,

4) L’indemnité due en contrepartie des droits d’accès et d’installations temporaires.

Dérogation – Si la réalisation de travaux d’amélioration énergétique pourrait générer de nombreux contentieux techniques et indemnitaires avec le propriétaire du fonds voisins, aucune difficulté ne se posera au regard du droit de l’urbanisme qui prévoit de nombreuses dérogations permettant de faciliter la mise en œuvre de dispositifs d’isolation thermique par l’extérieur. En effet, il est possible d’écarter les règles d’aspect extérieur du plan local d’urbanisme (PLU) afin de faciliter la pose de matériaux permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre (Code de l’urbanisme, art. L. 111-16).

De surcroît, l’autorité compétente en droit des sols peut déroger aux règles du PLU relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions afin d’autoriser la mise en œuvre d’une isolation en saillie des façades des constructions existantes (Code de l’urbanisme, art. L. 152 – 5).

Ce droit s’éteint par la destruction du bâtiment faisant l’objet de l’ouvrage d’isolation (CCH, art. L. 113-5-1, I).

Procédure particulière pour les immeubles relevant du statut de la copropriété –
Le décret met en place une procédure particulière si le fonds à surplomber est soumis au statut de la copropriété. Dans le cas où le syndicat des copropriétaires souhaiterait s’opposer à ce projet, le syndic est tenu d’inscrire cette opposition à l’ordre du jour d’une assemblée générale des copropriétaires qui devra se tenir un délai « qui préserve la faculté du syndicat des copropriétaires de saisir le juge dans le délai de six mois  » à compter de la réception de la demande.

L’ordre du jour devant alors comporter :

1) La question de la saisine du juge en opposition à l’exercice du droit de surplomb;

2) La question de la saisine du juge pour fixer l’indemnité;

Les documents notifiés à la copropriété par le propriétaire du bâtiment à isoler doivent bien évidemment être joints à la convocation à l’Assemblée.

Concrètement, si l’Assemblée générale répond favorablement à la notification du bénéficiaire du droit de surplomb, les travaux pourront commencer après signature de l’acte authentique notarié et de la convention consacrant l’accès au fond voisin.

En revanche, si l’Assemblée générale répond défavorablement, le syndicat devra saisir le juge compétent dans un délai de six mois à compter de la notification de l’intention de réaliser un ouvrage d’isolation en surplomb par le propriétaire du fonds bénéficiaire, et ce soit pour contester « par décision motivée » la demande se surplomb et/ou le montant de l’indemnité proposée par le voisin.

Bien que le texte ne l’indique pas expressément, il est assez évident que faute de saisine de la juridiction compétente dans le délai de 6 mois, le voisin est réputé avoir accepté la demande qu’il a reçue.

Il s’agit là du même mécanisme que pour le « droit à la prise » institué pour recharger les voitures électriques.

Frais de dépose – Lorsque le propriétaire du fonds surplombé a obtenu une autorisation administrative de construire en limite séparative ou en usant de ses droits mitoyens et que sa mise en œuvre nécessite la dépose de l’ouvrage d’isolation, les frais de cette dépose incombent au propriétaire du bâtiment isolé. L’indemnité prévue au I demeure acquise (CCH, art. L. 113-5-1, IV).

Limite – Même si le texte prévoit une « indemnité préalable » (dont les modalités de calcul de son montant devront être fixées par la jurisprudence), il était fort à parier que le Conseil constitutionnel, très sensible au respect du droit de la propriété (même au motif d’une rénovation énergétique), émette une réserve sur ce dispositif. Toutefois, dans une décision du 13 août 2021, les « Sages » ont jugé conforme le droit de surplomb à la Constitution (décision n° 2021-825 DC).

Calcul de l’indemnité préalable – Pour autant, bien que l’indemnité doive être obligatoirement prévue dans la convention, le décret du 23 juin 2022 ne prévoit toujours pas de règle de calcul ni de barème. Le texte offre seulement la possibilité de saisir le juge judiciaire, à défaut d’accord entre les parties ou d’opposition du propriétaire voisin, afin qu’il puisse fixer discrétionnairement le montant des indemnités en procédure accélérée au fond :

« A défaut d’accord avec le propriétaire du bâtiment à isoler, le propriétaire du fonds à surplomber qui souhaite s’opposer à l’exercice de l’un des droits mentionnés aux I et II de l’article L. 113-5-1 ou demander la fixation par le juge du montant des indemnités prévues au même article, saisit, dans le délai de six mois prévu au III du même article, le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble à surplomber, statuant selon la procédure accélérée au fond. » (art. R. 113-22 du CCH).

Dès lors, si les voisins ne s’entendent pas sur le montant de l’indemnité, celle-ci sera fixée judiciairement, avec la précision que seul le propriétaire du fonds à surplomber doit diligenter cette action en justice (le but étant de le dissuader au maximum de contester la demande de son voisin).

Par ailleurs, bien que le juge est sensé statuer dans un délai plutôt court, conformément à la procédure accélérée au fond (art. 839 du Code de procédure civile), le Législateur et le gouvernement n’ayant donné aucune indication sur la façon de calculer cette indemnité, il reviendra aux juridictions de le faire, ce qui passera nécessairement par le recours à des expertises judicaires (en tout cas dans un premier temps avant que les critères de calcul soient clairement fixés par la jurisprudence).

Pour toutes ces raisons, nous vous conseillons de procéder à une négociation amiable avec le propriétaire du fonds voisin et de ne pas hésiter à recourir à un expert judicaire à titre amiable pour apporter une base objective à cette négociation.

Mise en œuvre

Une copropriété portant un projet de rénovation énergétique requérant une isolation sur le fonds voisin devra donc :

  • Se rapprocher du propriétaire du fonds voisin pour engager une négociation.
  • S’accorder sur une convention d’empiétement. Si le propriétaire du fonds voisin ou du bâtiment à isoler est une copropriété, cette convention devra être adoptée par le syndicat de copropriétaire en Assemblée générale à l’article 25 d) de la Loi du 10 juillet 1965.
  • Signer cette convention devant notaire. En copropriété, c’est le syndic mandaté par le syndicat de copropriétaire qui signe.

→ L’indemnité sera ensuite versée et les travaux pourront être réalisés

 

[1] Ces articles ont été abrogés par le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021 qui recodifie la partie réglementaire du livre 1er du CCH. Néanmoins, l’obligation demeure puisqu’elle a été transposée dans d’autres dispositions du CCH.

Note élaborée en partenariat avec Île de France EnergiesÎle de France Energies

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