L’électrification des parkings en copropriété est aujourd’hui au centre des préoccupations : montée en puissance du véhicule électrique, multiplication des opérateurs, évolutions législatives récente… et désormais apparition des premiers contentieux dans ce domaine.
Sur ce dernier point, notre cabinet vient d’obtenir deux décisions favorables confirmant le droit du Syndicat des copropriétaires à s’opposer à l’installation individuelle d’une borne de recharge lorsqu’il a déjà anticipé la transition en mettant en place un projet d’infrastructure collective adaptée.
1) Quelle est l’ampleur de l’électrification en copropriété ?
En 2025, la France compte environ 2 millions de véhicules électriques, soit 5 % du parc automobile. Dans ce contexte, les projections anticipent une augmentation significative du nombre de véhicules électriques, qui pourrait atteindre 18 millions d’unités à horizon 2035.
Cependant, cette transition se heurte à des difficultés techniques, dont la principale réside dans l’implantation des bornes de recharge au sein des domiciles privés. Une distinction essentielle doit être opérée, à ce stade, entre les propriétaires de maisons individuelles et les copropriétaires, soumis à un cadre réglementaire plus complexe. Pour cause, selon une récente enquête d’ENEDIS, seulement la moitié des ménages résidant en copropriété et propriétaire d’un véhicule électrique dispose d’un équipement de recharge dans leur bâtiment, contre près de 90 % des propriétaires de maisons individuelles.
Ces chiffres illustrent les enjeux spécifiques relatifs à l’essor de la mobilité électrique en copropriété et soulignent la nécessité d’accompagner les acteurs concernés dans la mise en place de solutions adaptées et juridiquement sécurisées.
2) Quel est le contexte dans ces deux affaires ?
Dans deux jugements obtenus par le cabinet, le premier rendu le 8 septembre 2025 par le Tribunal judiciaire de Nanterre (n° 21/09347), le second le 11 septembre 2025 par le Tribunal judiciaire de Paris (n° 25/01907), les juridictions ont, dans des affaires similaires, rendu des décisions favorables au Syndicat des copropriétaires, représenté par leurs Syndics.
En l’espèce, des copropriétaires avaient sollicité l’exercice de leur « droit à la prise », c’est-à-dire la possibilité d’installer à leurs frais un point de recharge pour véhicule électrique sur leur place de stationnement. Or, le Syndic avait déjà engagé, pour le compte du Syndicat des copropriétaires, un projet d’installation collective visant à raccorder l’ensemble des emplacements à un réseau commun. Dans ce contexte, les copropriétaires ont saisi le juge judiciaire pour contester la décision prise en Assemblée générale approuvant le principe de ce projet collectif.
Il s’ensuit donc un contentieux entre, d’une part, le droit individuel à l’installation d’une borne privative et, d’autre part, la décision du Syndicat d’implanter une infrastructure commune de recharge.
3) Quel raisonnement retiennent les juges et quelle solution adoptent-ils ?
Dans ces décisions, les juges vont emprunter le même raisonnement.
D’une part, ils rappellent le cadre juridique applicable, fondé sur l’article L. 113-16 du Code de la construction et de l’habitation, lequel prévoit, en son premier alinéa, que tout copropriétaire (ou locataire) peut demander au Syndicat des copropriétaires d’être équipé d’une installation dédiée à la recharge électrique. Le Syndicat ne pouvant s’y opposer qu’en présence d’un motif sérieux et légitime.
D’autre part, c’est précisément sur ce « motif sérieux et légitime » de contestation que les tribunaux vont fonder leur décision. À cet effet, l’alinéa 2 du même article dispose que :
« Constitue notamment un motif sérieux et légitime au sens du premier alinéa la préexistence de telles installations ou la décision prise par le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires de réaliser de telles installations en vue d’assurer l’équipement nécessaire dans un délai raisonnable. »
Sur cette base textuelle, les magistrats vont constater que deux résolutions approuvant la réalisation d’une infrastructure collective avaient été votées antérieurement aux demandes individuelles des copropriétaires, permettant alors de déclarer bien fondée « l’opposition formée par le syndicat des copropriétaires d’interdire aux époux X. de réaliser les travaux projetés d’installation de la borne de recharge privative » (TJ, Paris, 11 sept. 2025).
En revanche, si le projet collectif n’avait pas été voté avant la demande individuelle, la solution aurait très probablement été différente, le juge ne pouvant alors retenir l’existence d’un motif légitime d’opposition.
4) Quelles recommandations pour les Syndics face aux demandes d’électrification ?
Ces décisions démontrent que l’anticipation collective constitue, pour le Syndicat des copropriétaires, la meilleure garantie de cohérence technique et de sécurité juridique face aux demandes individuelles fondées sur le « droit à la prise », permettant de se prémunir d’éventuels contentieux.
Pour toutes ces raisons, nous vous conseillons :
En premier lieu, d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée générale la question d’électrification des parkings et, plus particulièrement, d’un projet d’infrastructure collective et, ce, même en l’absence de sollicitations individuelles. Comme indiqué préalablement, la décision d’équiper l’immeuble d’une infrastructure commune constitue un motif sérieux et légitime pour s’opposer à des initiatives isolées. Une telle anticipation assure la cohérence des équipements, prévient les surcharges électriques et renforce la sécurité juridique.
En second lieu, d’assurer une mise en œuvre conforme aux obligations réglementaires. Pour ce faire, le Syndic devra veiller à consulter des opérateurs qualifiés, comparer plusieurs offres et faire voter les résolutions nécessaires à la majorité de l’article 24 de la Loi du 10 juillet 1965. Il conviendra également de vérifier la conformité du projet aux normes électriques applicables et, le cas échéant, d’en informer le gestionnaire de réseau.
En dernier lieu, de compléter ce dispositif par l’adoption d’un document interne, tel qu’une charte d’usage ou une annexe au règlement de copropriété, précisant les conditions d’accès, de répartition des coûts et d’entretien des installations. Ce document assure une égalité de traitement entre copropriétaires et facilite la gestion ultérieure des raccordements individuels.
Par cette approche anticipée, méthodique et conforme au cadre juridique en vigueur, le Syndic se positionne non seulement comme garant de la sécurité juridique du Syndicat, mais aussi comme acteur de la transition énergétique, capable d’assurer un déploiement ordonné et équitable des bornes de recharge au sein des immeubles collectifs.
Nous restons naturellement à votre disposition pour vous assister tant dans la conception et la sécurisation des projets d’installation de vos clients, que dans la gestion des contentieux susceptibles d’en découler.