Mise à jour du règlement de copropriété et subventions publiques : une obligation stratégique


La mise à jour des règlements de copropriété ne se limite pas à une simple formalité visant à la rendre conforme aux nouvelles dispositions légales ; bien au contraire cette dernière représente avant tout un atout stratégique.
En effet, qu’il s’agisse de formaliser une interdiction (par exemple, pour les dark-stores, points-relais-colis ou AirBnB) ou de confirmer l’opposabilité d’un droit lors de la vente d’un lot devant les notaires, notamment les lots transitoires, les parties communes spéciales ou les parties à jouissance privative (Art. 209, Loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), le règlement de copropriété constitue le document contractuel fondamental régissant l’organisation et la gestion d’un immeuble en copropriété.
Aujourd’hui, non seulement la mise à jour de ce document préserve les droits existants des copropriétaires, mais peut être indispensable pour accéder à des avantages financiers.
La décision récente de la Cour administraative d’appel de Paris, en date du 29 juillet 2025, le rappelle avec force (CAA de PARIS, 8ème chambre, 29/07/2025, 23PA03643).
En l’espèce, deux copropriétaires d’une copropriété parisienne, à plusieurs immeubles, sollicitent la condamnation de la Ville de Paris à des fins d’indemnisation en raison d’un préjudice financier résultant d’indications prétendument erronées des services municipaux. À ce titre, la maire de Paris avait exigé une modification du règlement de copropriété de l’immeuble pour bénéficier d’aides à la réhabilitation de leur immeuble, du fait de la vétusté et de la dégradation des fondations, de la cage d’escalier et de la façade de l’immeuble. Au regard de cet état, la commune a placé l’immeuble sous le dispositif « opération d’amélioration de l’habitat dégradé », permettant un accompagnement assorti de subventions délivrées par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).
Or, les requérants ont estimé que cette modification, qu’ils avaient initialement refusée, leur avait été imposée à tort et leur avait été défavorable en termes de répartition des charges.
Dès lors, la question centrale soumise au juge était de déterminer si la Ville de Paris avait agi à tort en subordonnant l’octroi des subventions à la refonte du règlement de copropriété.
Dans la continuité du jugement de première instance, la CAA considère que la Ville de Paris n’a commis ni erreur de droit ni erreur d’appréciation en conditionnant le bénéfice de ces aides à la modification préalable du règlement de copropriété.
Afin de mieux comprendre la décision, il convient de distinguer le raisonnement du juge en trois temps.
En premier lieu, ce dernier précise que l’attribution d’une subvention par un organisme public ne constitue pas un droit et, par voie de conséquence, peut être subordonnée à des conditions supplémentaires posées par le subventionnaire :
« En indiquant, au point 3 du jugement attaqué, que ni les dispositions des articles L303-1, L321-1 et R321-12 du code de la construction et de l’habitation […] ne faisaient obstacle à que ce que la ville de Paris […] subordonne cette inclusion […] à une condition tenant à une refonte du règlement de copropriété ».
En deuxième lieu, le juge va s’assurer que la condition tendant à la révision du règlement de copropriété a bien une existence contractuelle entre, d’une part, la collectivité et, d’autre part, le Syndicat des copropriétaires. En l’espèce, un accord contractuel avait bien été formalisé entre l’ANAH, la Ville de Paris et le Syndicat des copropriétaires de la copropriété concernée à propos de l’accompagnement dans les projets de travaux, au sein duquel figurait expressément la modification du règlement de copropriété :
« la refonte du règlement de copropriété figurait bien dans les objectifs fixés par les partenaires opérationnels et financiers dans le cadre du plan d’action de la première année d’accompagnement, qu’il s’agit d’une condition impérative pour les partenaires financiers pour le financement des travaux de réhabilitation à engager et que sans refonte du règlement de copropriété, les copropriétaires concernés par les travaux à engager ne pourront pas bénéficier d’une aide collective de la part de l’ANAH et de la ville de Paris ».
En dernier lieu, le juge va examiner si la condition posée se révèle nécessaire et proportionnée. En l’espèce, le modificatif du règlement de copropriété prévoyait de réviser la clé de répartition des charges. Or, cette modification s’avère parfaitement légitime et équitable puisque les travaux concernaient deux immeubles : l’un concerné uniquement pour une rénovation de la toiture, l’autre pour l’ensemble des travaux précités. Dès lors, dans la perspective de garantir une équité dans la répartition des charges entre copropriétaires, il convenait d’établir une clé plus juste, tenant compte de la différence d’ampleur des travaux supportés par chacun des immeubles :
« (…) aucune autre disposition législative ou règlementaire, ne faisaient obstacle à ce que l’inclusion d’un immeuble dans le périmètre du programme puisse être subordonnée par la maire de Paris à la meilleure répartition des charges de copropriété, pour faciliter la réhabilitation et en garantir la pérennité. Si Mme et M. B soutiennent qu’en l’espèce, cette condition n’était pas nécessaire et qu’elle est, de ce fait, disproportionnée, ils n’apportent aucune justification à l’appui de leurs allégations, alors que tant le diagnostic initial que la fiche de suivi […] mentionnent la question de la répartition des charges entre bâtiments et indiquent que la refonte du règlement de copropriété […] constitue l’un des objectifs du dispositif d’accompagnement mis en place ».
Ce dernier motif de la CAA applique de façon combinée les articles 10 et 11 de la Loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis relatifs à la répartition des charges entre les copropriétaires, selon lesquels :
« Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité objective que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées » (Art. 10).
« […] lorsque des travaux ou des actes d’acquisition ou de disposition sont décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire […] » (Art. 11).
Deux conclusions sont à tirer de cet arrêt.
D’une part, en droit, la juridiction administrative tend à affermir sa compétence en matière d’attribution des subventions publiques, notamment à l’égard des ensembles immobiliers tenus de respecter les critères fixés par l’organisme financeur. À défaut, la subvention peut être annulée (CE, 19 janv. 2018, n° 403470), ce qui, dans certaines hypothèses, entraîne une annulation rétroactive et le reversement des sommes perçues par le bénéficiaire (CAA Paris, 8e ch., 2 févr. 2015, n° 14PA02807).
D’autre part, en fait, l’arrêt du 29 juillet 2025 constitue un signal fort pour les Syndicats des copropriétaires : ne pas mettre à jour leur règlement de copropriété peut les priver de droits et de financements publics essentiels.
Il convient désormais d’attendre la position définitive du Conseil d’État sur le sujet, mais il est à supposer, en l’état, que la même condition puisse être exigée pour des aides publiques relatives à des travaux collectifs de rénovation énergétique.