Suppression du poste de gardien d’immeuble : cadre juridique, étapes clés et bonnes pratiques.


Suppression d’un service de conciergerie, réaffectation de la loge, licenciement du salarié, la question de la disparition du poste de gardien d’immeuble reste un sujet délicat, tant du point de vue de la procédure à suivre que des risques juridiques encourus.
En effet, derrière une apparente décision de gestion se cachent des enjeux juridiques complexes tels que compétence de l’Assemblée générale, majorité requise, qualification du licenciement et sort du logement de fonction.
Une analyse rigoureuse s’impose pour sécuriser la procédure et éviter le risque contentieux.
Qui décide de la suppression du poste de gardien ?
La suppression d’un emploi salarié ne relève pas du Syndic.
Seule l’Assemblée générale, en vertu de l’article 31 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, est compétente pour fixer les nombres et catégories d’emplois. L’article prévoit, à cet effet, que : « Le Syndic engage et congédie le personnel employé par le Syndicat et fixe les conditions de son travail suivant les usages locaux et les textes en vigueur.
L’Assemblée générale a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois. »
Pour que cette compétence de l’Assemblée générale soit correctement exercée, la résolution doit être formellement inscrite à l’ordre du jour. Toute formulation vague ou ambigüe peut entraîner la nullité du vote. La simple mention d’une « réorganisation des services » ou d’une « réduction de charges » sera réputée insuffisante.
Quelle majorité est requise ?
a) Le principe : la double majorité.
L’article 26, alinéa c, de la Loi du 10 juillet 1965 prévoit que :
« La suppression du poste de concierge ou de gardien et l’aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien, lorsqu’il appartient au Syndicat, sont décidées à la majorité des membres du Syndicat représentant au moins les deux tiers des voix. Les deux questions sont inscrites à l’ordre du jour de la même Assemblée générale ».
Il s’agit en réalité de deux décisions distinctes, qui peuvent être prises ensemble ou séparément. En effet, le poste peut être supprimé sans que le logement soit vendu, et inversement. En d’autres termes, il est possible d’envisager la suppression du poste tout en conservant la loge ou, a contrario, la vente de la loge sans supprimer le poste, si celle-ci n’est pas utilisée comme logement de fonction.
b) L’exception : l’unanimité en cas d’atteinte à la destination de l’immeuble.
Lorsque le règlement de copropriété qualifie le service de gardiennage comme élément de standing ou de jouissance des lots privatifs, un vote à l’unanimité s’impose.
La jurisprudence opère un contrôle in concreto : le pouvoir souverain d’appréciation du juge en la matière a été réaffirmé par la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 23 février 2022, au sein duquel la suppression du poste avait été annulée au motif que les conditions d’équivalence des services n’étaient pas réunies et que l’Assemblée avait omis de voter à l’unanimité [1].
Au-delà des stipulations du règlement, l’équivalence des services constitue un critère déterminant. Il ne suffit pas de supprimer le poste : encore faut-il, pour écarter l’unanimité, offrir aux copropriétaires un niveau de service strictement équivalent. À cet égard, la Cour d’appel de Paris a déjà rappelé que la seule installation d’un digicode ou d’un interphone ne permettait pas d’assurer un niveau de sécurité équivalent à celui garanti par la présence constante d’un gardien [2].
c) La voie dite « passerelle »
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a réintroduit une passerelle de vote dans l’article 26-1 de la Loi de 196 :
« Lorsque l’Assemblée générale n’a pas décidé à la majorité prévue au premier alinéa de l’article 26, mais que le projet a recueilli l’approbation de la moitié des membres présents, représentés ou votant par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même Assemblée se prononce à la majorité de l’article 25. »
Ce mécanisme permet de revenir immédiatement à un vote à la majorité de l’article 25 (majorité des voix des copropriétaires présents, représentés ou par correspondance), à condition de franchir un seuil intermédiaire.
Un motif de licenciement autonome, mais à manier avec rigueur.
Le motif du licenciement constitue un point central de la procédure, puisqu’il peut conduire à vicier certaines procédures.
La règle de principe veut que le vote régulier de l’Assemblée générale constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dès lors, la suppression du poste de gardien, votée conformément aux procédures exposées, suffit à justifier le licenciement d’un gardien d’immeuble.
Il est important de rappeler cette règle, car certaines copropriétés, confrontées à l’augmentation des charges, peuvent être tentées de qualifier la rupture de « licenciement pour motif économique ».
Or, dans un arrêt de principe du 1ᵉʳ février 2017, la Cour de cassation rejette la requalification d’un licenciement pour motif économique, laquelle aurait été assujettie à une obligation de reclassement. Elle considère, au contraire, que la décision des copropriétaires de suppression de poste constitue un motif objectif propre au fonctionnement de la copropriété [3]. De surcroît, la Cour rappelle qu’un licenciement économique n’est applicable que si l’employeur est une entreprise privée, au sens de l’article L1233-1 du Code du travail, excluant par conséquent le Syndicat des copropriétaires [4].
Pour toutes ces raisons, la lettre de licenciement rédigée par le Syndicat doit rester neutre : toute mention d’un motif économique expose à une requalification. La jurisprudence admet une certaine tolérance [5], mais un excès de justification peut fragiliser la procédure.
Le salarié ne peut contester la décision d’Assemblée générale, mais peut engager un contentieux personnel.
Le gardien, en qualité de tiers à la copropriété, ne peut pas remettre en cause la résolution de l’Assemblée générale. En revanche, il conserve la possibilité d’agir devant le Conseil de prud’hommes sur le terrain de l’exécution du contrat (harcèlement, sécurité, etc.).
Le cas échéant, le juge devra, en priorité, trancher sur la demande de résiliation judiciaire formée par l’employé d’immeuble, avant d’analyser le licenciement lui-même [6].
Quid du logement de fonction ?
Dans la mesure où le « bénéfice d’un logement de fonction est un avantage en nature accessoire au contrat de travail et prend fin en même temps que lui » [7], le gardien qui n’exerce plus de fonctions au sein de la copropriété à la suite d’un licenciement est tenu de restituer le logement à l’issue d’un délai de trois mois, délai qui commence à courir à compter du congé notifié par le Syndicat des copropriétaires.
À l’issue de ce préavis, le salarié licencié doit libérer le logement. Dans l’hypothèse où le gardien resterait dans la loge après l’expiration de ce délai, le Syndicat des copropriétaires est en droit d’engager une procédure d’expulsion devant la juridiction compétente, à savoir le tribunal d’instance, conformément à l’article R221-38 du Code de l’organisation judiciaire, qui attribue à cette juridiction la compétence pour connaître des actions relatives aux contrats de location ou à l’occupation d’un logement.
Parallèlement, une demande d’indemnité d’occupation peut être introduite, correspondant à la somme que le gardien doit verser au Syndicat s’il continue à occuper le logement sans droit ni titre.