Le contexte actuel de rénovation énergétique et de mise en conformité des immeubles, sous l’impulsion de la loi ELAN et des objectifs nationaux de neutralité carbone, accroît considérablement l’exposition des copropriétés au risque contentieux. Dans ce cadre, le règlement de copropriété reste le texte cardinal pour organiser la prise de décision collective et sécuriser juridiquement les autorisations de travaux.
Nous avions récemment commenté un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 mars 2025, obtenu par le cabinet, qui a rappelé l’obligation d’identifier clairement les parties communes spéciales dans le règlement, sous peine d’invalider la répartition des charges afférentes aux travaux. Par son arrêt du 6 février 2025 (Cass. 3e civ., n° 23-18.586), la Cour de cassation franchit une nouvelle étape : dès lors que les travaux projetés concernent à la fois des parties communes générales et spéciales, l’Assemblée générale de tous les copropriétaires doit impérativement se prononcer. La nature des parties affectées, telle que définie (ou non) par le règlement, devient donc déterminante pour la validité juridique des décisions d’Assemblée.
L’enseignement est clair : sans règlement de copropriété mis en conformité, chaque projet de travaux – qu’il s’agisse d’une installation technique, d’une rénovation énergétique ou d’une adaptation structurelle – expose le Syndicat des copropriétaires à des contestations judiciaires. La mise à jour du règlement n’est plus seulement un conseil de bonne administration, mais est devenue un véritable impératif stratégique pour garantir la stabilité des décisions collectives et prévenir un risque juridique et financier majeur. Nous vous expliquons.
1) Quels sont les faits à l’origine du contentieux ?
Dans cette affaire, une résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’ensemble des copropriétaires autorise un copropriétaire, sous la forme d’une SCI, à réaliser des travaux sur la terrasse du troisième étage de l’immeuble. Ces travaux consistaient à percer la dalle de béton pour installer un local destiné à abriter les ventilateurs de désenfumage des salles situées aux étages inférieurs.
Cependant, un organisme financier, propriétaire de lots de bureaux situés au 3ᵉ étage, décide de contester cette résolution au motif que les espaces verts et plantations affectés par les travaux, situés sur la terrasse, sont réputées être des parties communes spéciales. Par voie de conséquence, la société soutient que la décision d’autorisation aurait dû être soumise au vote exclusif des copropriétaires concernés par ces parties communes spéciales : la société assigne donc le Syndicat des copropriétaires en annulation de la résolution. Le Syndicat, de son côté, assigne la SCI en intervention forcée.
Dans ce dossier, la société demanderesse avance plusieurs arguments pour justifier sa demande d’annulation. D’une part, elle soulève le manque de précision des documents joints à l’ordre du jour de l’Assemblée générale concernant les travaux projetés et, d’autre part, le fait que la résolution aurait dû être votée uniquement par les copropriétaires concernés par les parties communes spéciales. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 17 mai 2013, rejette la demande d’annulation, ce qui la conduit à former un pourvoi en cassation.
2) Quelle est l’analyse juridique de la Cour de cassation ?
La Cour de cassation, par un arrêt confirmatif, valide la décision d’appel en suivant un raisonnement clair et concis.
En premier lieu, les magistrats rappellent la règle codifiée à l’article 6-2 de la Loi du 10 juillet 1965, selon laquelle lorsqu’un règlement de copropriété identifie des parties communes spéciales, seuls les copropriétaires concernés peuvent prendre les décisions relatives auxdites parties.
En second lieu, la Cour précise que cette règle ne prévaut que lorsque ces décisions concernent exclusivement les parties spéciales. Autrement dit, dès lors qu’une décision affecte à la fois des parties communes générales et des parties communes spéciales, elle doit être adoptée par l’Assemblée générale réunissant l’ensemble des copropriétaires.
En l’espèce, le juge civil constate que si les travaux affectaient les espaces verts (partie commune spéciale), ils portaient avant tout sur la terrasse du 3ᵉ étage, désignée expressément comme partie commune générale dans le règlement. Par suite, la décision d’autorisation des travaux ne pouvait relever que de l’Assemblée générale rassemblant tous les copropriétaires :
« 9. Il en résulte que, lorsqu’une décision d’autorisation de travaux est afférente à la fois aux parties communes générales et aux parties communes spéciales, cette décision doit être adoptée par l’assemblée générale réunissant les copropriétaires des parties communes générales.
10. Ayant constaté que, si les travaux allaient avoir pour conséquence de modifier les espaces verts et plantations situés au troisième étage, ils affectaient en premier lieu la terrasse, partie commune générale de l’immeuble, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit que l’autorisation de travaux relevait exclusivement de l’assemblée générale réunissant tous les copropriétaires. »
Sans le mentionner, la Cour de cassation vient adopter une lecture stricte de l’article 25 de la Loi de 1965 selon lequel l’autorisation de travaux affectant des parties communes doit systématiquement être adoptée à la majorité de l’ensemble de voix de tous les copropriétaires, y compris en cas de concordance entre une partie commune générale et une partie commune spéciale ; cette dernière ne constituant que l’accessoire du principal.
Dès lors, la terrasse supportant un projet de local technique doit répondre au régime juridique – et donc aux modalités de vote – applicables aux parties communes générales.
3) Que doit-on en retenir ? Quel conseil peut-on donner aux Syndicats de copropriétaires ?
Trois enseignements juridiques doivent être tirés de cette décision afin de sécuriser les procédures et se prémunir de ce type de contentieux.
D’abord, l’identification précise des parties communes spéciales dans le règlement de copropriété est indispensable pour sécuriser la validité des décisions collectives. À défaut, les travaux affectant de telles parties seront réputés porter sur les parties communes générales, entraînant la compétence de la totalité de l’Assemblée.
Ensuite, dès qu’une opération touche à la fois aux parties communes générales et parties communes spéciales, l’intervention de l’Assemblée générale de tous les copropriétaires s’impose. Il n’est ainsi pas possible d’organiser une Assemblée restreinte ou un vote à la double majorité dans cette configuration.
Enfin, l’absence de mise à jour du règlement de copropriété génère une insécurité juridique majeure. En matière de travaux, particulièrement de rénovation énergétique, cette insécurité peut être lourde de conséquences : contestations, annulations de résolutions, retards de chantier, surcoûts financiers et risques de mise en cause de la responsabilité du Syndic.
En définitive, cet arrêt confirme notre conseil en vertu duquel seul un règlement de copropriété rigoureux, clair et mis à jour permet de prévenir efficacement les risques contentieux. En somme, même si aucun texte ne sanctionne directement l’absence de mise à jour du règlement de copropriété, cette omission constitue aujourd’hui un facteur d’instabilité juridico-financier particulièrement préoccupant.
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