La mise en œuvre d’une isolation thermique par l’extérieur se heurte régulièrement à des refus de voisins ou à des incertitudes sur l’étendue du droit de surplomb, alors même qu’elle constitue souvent l’unique solution techniquement réalisable pour atteindre les objectifs de rénovation énergétique. Ces difficultés retardent les chantiers, génèrent des surcoûts importants et constituent l’un des principaux obstacles financiers aux projets de rénovation énergétique en copropriété.
Dans ce contexte, notre cabinet vient d’obtenir une décision de justice du Tribunal judiciaire de Paris en faveur d’un Syndicat des copropriétaires qui souhaite mettre en place une isolation par l’extérieur (ITE), surplombant le terrain d’un de ses voisins.
Cette décision confirme à la fois notre analyse juridique et notre approche pratique des travaux de rénovation énergétique. En voici les principaux enseignements.
1) Quelles sont les règles juridiques applicables au droit de surplomb en matière d’ITE ?
Tout d’abord, il convient de rappeler que la Loi du 22 août 2021, dite Loi
« Climat & Résilience », instaure un droit de surplomb du fonds voisin, dans la limite de 35 cm, au profit du propriétaire d’un bâtiment existant qui procède à son isolation thermique par l’extérieur, dès lors qu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs (art. L. 113-5-1, CCH).
Ses modalités de mise en œuvre sont constatées dans une convention qui doit prendre la forme d’un acte notarié ou, en cas d’absence d’accord, d’une décision de justice, publiée pour l’information des tiers au fichier immobilier (art. L. 113-5-1, I, CCH).
Par conséquent, le propriétaire qui souhaite engager des travaux de rénovation doit, avant tout commencement de travaux, notifier au propriétaire du fonds voisin son intention de réaliser un ouvrage d’isolation en surplomb de son fonds et de bénéficier de ce droit d’accès (servitude de tour d’échelle).
Les modalités procédurales sont fixées par le décret n° 2022-926 du 23 juin 2022, en vertu duquel le propriétaire du fonds voisin peut, dans un délai de six mois à compter de cette notification :
- S’opposer à l’exercice du droit de surplomb de son fonds pour un motif sérieux et légitime tenant à l’usage présent ou futur de sa propriété ou à la méconnaissance des conditions d’exercice de ce droit.
- S’opposer au droit d’accès à son fonds et à la mise en place d’installations provisoires si la destination, la consistance ou la jouissance de ce fonds en étaient affectées de manière durable ou excessive.
- Saisir, dans ce même délai, le juge en fixation du montant de l’indemnité préalable prévue aux I ou II susvisés de l’article L.113-5-1 (art. L. 113-5-1, III, CCH).
Pour autant, bien que l’indemnité doive être obligatoirement prévue dans la convention, le décret de 2022 précité ne prévoit toujours pas de règle de calcul ni de barème. Le texte offre seulement la possibilité de saisir le juge judiciaire, à défaut d’accord entre les parties ou d’opposition du propriétaire voisin, afin qu’il puisse fixer le montant des indemnités.
2) Que décide le Tribunal judiciaire de Paris dans cette affaire ?
En l’espèce, le Syndicat des copropriétaires avait missionné notre cabinet pour notifier, en application du décret du 23 juin 2022, les travaux projetés d’isolation thermique par l’extérieur à un de ses voisins, incluant le projet de convention de servitude de surplomb notarié.
À défaut de réponse du voisin dans le délai de 6 mois, nous avons donc saisi le Tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond (PAF).
Dans cette décision, le juge a procédé à une application stricte des textes :
D’une part, en autorisant le Syndicat des copropriétaires à faire procéder au ravalement et à l’isolation thermique par l’extérieur du mur pignon de son bâtiment, en empiétant sur la propriété du voisin, selon les conditions fixées dans le projet de convention de droit de surplomb, de droit d’accès temporaire et d’installations d’échafaudages provisoires.
D’autre part, en fixant le montant de l’indemnité globale et préalable au titre de l’accès temporaire sans emprise au sol et du droit de surplomb à la somme de 8 250 euros. Autrement dit, le juge a validé les indemnités proposées par la copropriété dans sa notification préalable.
Enfin, en enjoignant que le jugement sera publié au service de la publicité foncière.
3) Quelles conséquences pratiques les syndics doivent-ils tirer de cette décision ?
En premier lieu, il est utile de rappeler que la mise en place d’une isolation par l’extérieur en surplomb du terrain d’un voisin doit obligatoirement faire l’objet d’une convention de servitude notariée ou d’une décision de justice publiée au service de la publicité foncière
À défaut, la responsabilité du syndic sera clairement engagée si, ultérieurement, ledit voisin exige la suppression de l’empiétement en raison de cette isolation, qui se trouve sur sa propriété sans titre.
En second lieu, qu’il n’est pas indispensable de missionner un expert en évaluation immobilière afin de déterminer la valeur de l’indemnité à proposer au voisin. Recourir à un tel professionnel rallonge les délais, mais surtout les coûts pour la copropriété.
En effet, au-delà des honoraires à leur verser, nous constatons que les experts ainsi consultés poussent clairement ces indemnités à la hausse alors même que le surplomb lié à la création de l’isolation :
- Est temporaire et il ne s’agit donc pas d’un prix de cession,
- Ne génère objectivement aucun préjudice au voisin.
À ce titre et comme nous le soutenions, le Tribunal a, dans cette affaire, considéré que l’octroi du droit de surplomb se révèle faiblement monétisable.
Cette prise de position du juge des référés, d’un point de vue global et économique, s’inscrit ainsi parfaitement dans la démarche prônée par le législateur, puisque les copropriétés prises dans leur ensemble n’ont aucun intérêt à voir ces indemnités augmenter
Notre cabinet se tient naturellement à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en œuvre de vos projets d’isolation thermique par l’extérieur, sécuriser juridiquement vos démarches et résoudre toute difficulté liée au droit de surplomb, notamment dans l’indemnisation du voisin concerné.
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