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Les travaux sur les colonnes montantes ENEDIS en copropriété : qui doit payer ?

Quelles sont les conséquences juridiques pour les copropriétés en cas de travaux sur des colonnes montantes appartenant à ENEDIS ?

Quelles sont les conséquences juridiques pour les copropriétés en cas de travaux sur des colonnes montantes appartenant à ENEDIS ? La responsabilité financière est-elle différente en fonction de la nature des travaux ? Quid des travaux de rénovation énergétique ?

La propriété des colonnes montantes fait l’objet de nombreux litiges entre les copropriétés et le gestionnaire du réseau public d’électricité (principalement ENEDIS) notamment en cas d’interventions sur ces structures afin de déterminer la partie qui devait en assumer la charge financière. L’article 176 de la loi ELAN (pour l’Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), promulguée le 23 novembre 2018, vient clarifier le régime applicable à ces équipements en modifiant les articles 346-1 et suivants du Code de l’énergie (voir notre article dédié sur le sujet : « Les colonnes montantes électriques : un élan favorable aux copropriétaires !« ).

La loi pose le principe selon lequel, sauf opposition des copropriétés, toutes les colonnes montantes électriques mises en service font partie du réseau public de distribution d’électricité (art. L. 346-3 du Code de l’énergie). Cette dernière a posé un régime transitoire de deux ans, période durant laquelle les syndics pouvaient soit revendiquer la pleine propriété de ces ouvrages, soit notifier un transfert définitif desdits ouvrages à l’autorité concédante ou au gestionnaire de réseau (après avoir préalablement adopté cette mesure par un vote en Assemblée générale des copropriétaires).

Or, le Code de l’énergie prévoit que le gestionnaire de réseau « ne peut pas s’opposer au transfert des ouvrages en bon état de fonctionnement ni exiger une contrepartie financière » (art. L. 346-4). Ainsi, si le gestionnaire ne s’est pas opposé au bon fonctionnement de la colonne en identifiant les travaux à réaliser avant le transfert, ce dernier devient alors définitif (art. L. 346-2, 1°).

Il est à noter qu’un flou juridique subsiste puisque la loi ELAN ne prévoit pas le régime juridique qui découle de ce transfert de propriété. Néanmoins, l’article L. 322-8 du Code de l’énergie prévoit que les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité sont tenus, dans le cadre de leur mission de service public, « d’exploiter ces réseaux et d’en assurer l’entretien et la maintenance » (6°) mais aussi « de mettre en œuvre des actions d’efficacité énergétique et de favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau » (7°).

Dès lors, ENEDIS est tenue d’assurer l’entretien, la maintenance, mais aussi les travaux de rénovation sur les colonnes montantes qui lui ont été transférées. Le cas échéant, le réseau public de distribution d’électricité devra supporter la totalité des coûts engendrés par ces travaux.

Toutefois, dans l’hypothèse où il ne s’agirait pas de travaux d’entretien et de maintenance si, par exemple, la copropriété souhaite procéder à des travaux de rénovation énergétique en modifiant son mode d’alimentation énergétique – en passant d’un réseau collectif au fuel à un réseau de chauffage individuel – plusieurs voies sont envisageables.

1) La voie amiable auprès d’ENEDIS

Il convient, dans un premier temps, de former une réclamation écrite auprès d’ENEDIS en exposant les fondements évoqués ci-après. L’objectif étant d’engager une négociation ferme fondée sur des arguments juridiques solides et visant à obtenir une répartition équitable des frais entre la copropriété et ENEDIS. A cet égard, il conviendra d’envoyer cette réclamation au département chargé de la gestion des litiges relatifs à la répartition des coûts pour des travaux de rénovation sur des colonnes montantes.

2) La saisine du Médiateur de l’Energie

Dans un second temps, et dans l’hypothèse où la réclamation s’avérerait infructueuse, nous vous recommandons fortement de saisir le Médiateur de l’Energie qui est régulièrement amené à se prononcer pour des litiges de financement de travaux sur les colonnes montantes et qui apporte des réponses concrètes, très souvent en faveur des copropriétaires.

Plusieurs recommandations permettent d’apporter des éléments de réponse.

En premier lieu, le Médiateur a considéré qu’un copropriétaire qui demande la rénovation de la colonne montante pour un motif de sécurité, lié à une vétusté et une non-conformité aux normes actuelles de l’ouvrage dûment constatés par le gestionnaire, entraîne l’obligation pour ENEDIS de prendre en charge l’intégralité des travaux nécessaires (recommandation n° D2019-10438 du 10 février 2020).

En second lieu, le Médiateur a également estimé que la demande par une copropriété de modification des caractéristiques techniques du branchement d’une colonne montante entraîne une répartition des coûts entre le gestionnaire de réseau et la copropriété. Lorsque les travaux induisent des transformations sur la structure, le Médiateur considère que le « consommateur devra alors verser une contribution au gestionnaire de réseau public » (recommandation n° D2019-18609 du 10 février 2020 et point 2-2 de la lettre de novembre 2020 du Médiateur national de l’Energie qui recense les différentes négociations conclues avec ENEDIS).

Le montant de cette contribution doit faire l’objet d’une négociation préalable et d’un devis à la charge d’ENEDIS, qui sera tenue de respecter le barème des coûts de raccordement devant être approuvé par la Commission de Régulation de l’Energie (souvent égal à 50 % du montant total à la charge de la copropriété).

Toutefois, il est fort probable que l’argument de défense d’ENEDIS reposera sur la circonstance selon laquelle il s’agit d’un besoin nouveau de la copropriété et que, par conséquent, elle n’est pas tenue de prendre en charge, tout ou partie, de ces travaux.

Le cas échéant, il conviendra de rappeler que cette notion de « besoin nouveau » permettant à ENEDIS de s’exonérer de sa responsabilité n’est pas une condition prévue dans les textes et dans la jurisprudence (mais semble plutôt procéder d’une politique interne à l’entreprise). Le seul fondement juridique auquel pourrait se rattacher ENEDIS émanerait d’une décision du 10 mars 2021 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) relatif à un différend opposant une copropriétaire à la société Enedis (n° 09-38-20).

Dans cette affaire, en se fondant sur l’article L. 346-1 du Code de l’énergie précité (relatif au transfert de propriété codifié par la loi ELAN), le Comité de règlement prévoit que :

« 9. Il en résulte que l’appartenance de ces colonnes montantes électriques au réseau public de distribution d’électricité oblige le gestionnaire de ce réseau à procéder à ses frais à leur entretien et, le cas échéant, à leur rénovation, s’agissant en particulier des colonnes montantes vétustes ou posant plus généralement des problèmes de sécurité ou de conformité aux normes applicables. En revanche, les travaux répondant à d’autres motifs ne sont pas à la charge exclusive du gestionnaire de réseau. »

Dès lors, il ressort de cette décision de la CRE que les gestionnaires de réseau sont dans l’obligation de prendre en charge la totalité des travaux de rénovation. Bien que cette décision prévoie quelques exemples, elle ne fixe pas clairement le champ d’application que recouvrent les travaux de rénovation.

Or, il ne fait aucun doute – particulièrement aujourd’hui en raison des nombreuses législations qui instituent une obligation de performance énergétique – que des travaux énergétiques seront réputés par le juge comme faisant partie des travaux de rénovation. La jurisprudence de la Cour de cassation considère d’ailleurs, à droit constant, que le passage d’une installation collective de chauffage, pour laquelle sa remise en état ne permet pas d’obtenir un résultat conforme aux normes, vers un chauffage individuel constitue une amélioration énergétique (v. la jurisprudence de principe : Civ., 4 janvier 1989, n° 87-14.871).

Ces moyens devront donc être soulevés dans vos réclamations auprès d’ENEDIS et du Médiateur de l’Energie car ils permettront de maintenir la pression et de pouvoir entamer des négociations équilibrées.

Enfin, dans le cas où vous n’arriveriez pas à prouver que les travaux procèdent d’une rénovation énergétique, il convient tout de même de se fonder sur cette décision du Comité du règlement de la CRE mentionnant que les travaux répondant à d’autres motifs ne sont pas à la charge exclusive du gestionnaire de réseau, ce qui reviendrait donc à un partage des frais entre la copropriété et ENEDIS.

3) La voie contentieuse devant le juge judiciaire

A défaut d’accords amiables, il est également envisageable de former un recours juridictionnel auprès du juge judiciaire en soulevant, en plus des moyens précités, les manquements prévus dans le Code civil relatifs aux obligations juridiques dans le cadre d’un transfert de propriété d’un bien meuble à titre gratuit. Ce recours juridictionnel présente de réelles chances de succès puisque les jugements et arrêts rendus par le juge depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN sur les colonnes montantes ont quasiment été toujours favorables aux copropriétaires.

Notre équipe de spécialistes se tient à votre disposition pour toute question dans vos projets de travaux sur des colonnes montantes en copropriété, n’hésitez pas à nous contacter.

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