Après deux années marquées par une forte hausse des prix de l’énergie, les effets de la crise commencent à s’atténuer et les prix sont désormais orientés à la baisse. Celle-ci pousse de nombreuses copropriétés à essayer de résilier leurs contrats de fourniture d’électricité ou de gaz afin de conclure une nouvelle convention avec un autre opérateur qui propose une offre plus avantageuse.
Or, la plupart des contrats de fourniture d’énergie prévoient une clause de reconduction tacite selon laquelle le contrat est automatiquement renouvelé si aucune des parties ne souhaite y mettre un terme et surtout des clauses prévoyant des pénalités financières très importantes en cas de résiliation anticipée.
Il est donc tentant de vouloir se prévaloir de l’article L. 215-1 du Code de la consommation, introduit par la loi CHATEL, qui oblige le prestataire de service à informer le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat. Dans le cas où cette information n’a pas été adressée au consommateur dans les délais, ce dernier peut mettre gratuitement un terme au contrat à tout moment à compter de la date de reconduction.
Toutefois, il ressort d’une décision de la Cour d’appel de Paris du 19 février 2021, dont la portée est toujours effective en 2025, que cette disposition n’est pas applicable au contrat de fourniture d’électricité et de gaz.
En effet, la Cour a estimé que le contrat de fourniture d’électricité n’est pas un contrat de prestation de service, mais un contrat de vente de marchandises dans la mesure où l’électricité correspond à un bien meuble au sens de l’article 528 du Code civil :
« Toutefois, la nature et le régime juridique de la fourniture d’énergie électrique ne dépend pas de la définition que la science physique donne de l’électricité, mais résulte des moyens industriels mis en œuvre pour produire cette énergie et la transformer pour la transporter et la distribuer, et qui sont prépondérants sur les prestations de services qui les accompagnent, ce dont il résulte que la fourniture de cette énergie au consommateur final entre dans la catégorie des biens meubles par nature au sens de l’article 528 du code civil, et qu’ainsi que le conclut la société EDF, elle entre dans la classification des marchandises qui se vendent à la mesure suivant les dispositions de l’article 1585 du code civil comme cela est par ailleurs consacré par le titre troisième du code de l’énergie relatif à la commercialisation de l’électricité ainsi qu’au chapitre II encadrant les contrats de vente. »
Bien que cette décision ait été rendue dans le cadre d’un litige opposant un Syndicat des copropriétaires à un fournisseur d’électricité (en l’espèce, EDF), il est évident que la même solution sera rendue pour les contrats de fourniture de gaz.
Les copropriétés ayant conclu des contrats de fournitures d’énergie à un prix élevé pour une longue période sont donc menacées des pénalités contractuellement prévues lorsqu’elles font valoir leur souhait de pouvoir contracter avec un autre fournisseur au prix actuel du marché. Il convient, d’ailleurs, de souligner qu’en matière de contrat de fourniture d’électricité il existe certaines protections légales pour les copropriétés contrairement aux contrats de fourniture de gaz.
En outre, le droit européen prévoit la possibilité pour les Etats membres, d’autoriser des frais de résiliation pour ces consommateurs dans le cas particulier des contrats à prix fixe et à durée déterminée. Cette possibilité vise à prendre en compte le fait que, dans le cadre de ce type de contrat, les fournisseurs achètent usuellement, à la date de signature, l’intégralité de l’énergie qui sera livrée sur la durée déterminée
Cette vulnérabilité juridique des copropriétés a d’ailleurs été soulignée par le Médiateur de l’énergie, dans une lettre de juillet 2025, au sein de laquelle il formule plusieurs propositions pour renforcer leur protection : interdiction de certains frais de résiliation anticipée, généralisation des offres sans pénalités, accès facilité aux tarifs réglementés, droit de rétractation élargi, délai de préavis accru en cas de modification de contrat. Reste désormais à savoir si le législateur s’appropriera ce sujet et donnera suite à ces recommandations (le sénateur Daniel GREMILLET a rédigé une proposition de loi, en ce sens).
Dans cette attente, les copropriétés souhaitant tout de même résilier un contrat de ce type par anticipation pourraient tenter de plaider qu’il s’agit en réalité d’une clause pénale manifestement excessive et solliciter du juge qu’il use de son droit de modération prévue par l’article 1231-5 du code civil, mais en l’absence de jurisprudence à l’heure actuelle l’aléa judicaire reste très élevé.
Une situation particulière se pose par ailleurs lorsque la copropriété décide de se raccorder à un réseau de chauffage urbain et donc n’a plus besoin d’être fourni en gaz. Dans ce cas se pose la question de l’exécution du contrat de bonne foi, si la copropriété ne résilie pas son contrat de fourniture de gaz mais n’en consomme plus par définition.
En l’état, les copropriétés doivent sauf exception attendre le terme de leurs contrats de fourniture d’énergie pour pouvoir changer d’opérateur.
À noter que depuis le 1er février 2025, l’article L. 337-7 du Code de l’énergie a été modifié : les copropriétés peuvent désormais accéder aux tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE), quelle que soit la puissance souscrite.
Comme toujours, notre équipe d’experts reste extrêmement vigilante aux évolutions juridiques sur cette thématique afin de vous informer, avec clarté et réactivité, sur cette réglementation susceptible d’évoluer et, pour lors, défavorable pour de nombreuses copropriétés.
Nous restons naturellement à votre disposition pour vous accompagner dans vos projets et/ou litiges énergétiques.