La suppression d’une loge, la réduction des avantages en nature, l’application du DPE à la loge ou les cas de harcèlement des gardiens et employés d’immeubles : autant de sujets récurrents dans la gestion quotidienne des copropriétés, auxquels nous avons déjà apporté des réponses dans nos contributions précédentes.
Toutefois, une autre question, également épineuse, subsiste à propos de la rémunération des gardiens, d’ailleurs récemment valorisée par un avenant n° 110 du 17 janvier 2025 visant à équilibrer leurs salaires (augmentation du plafond mensuel de la Sécurité sociale, rehaussement des cotisations prévoyance et mutuelle, inflation, etc. ).
Le Syndic peut-il accorder une rémunération supérieure au minimum conventionnel au gardien ou à l’employé d’immeuble sans accord préalable du Syndicat ou de l’Assemblée générale ?
Le cas échéant, dans quelle mesure la copropriété peut-elle contester cette rémunération ?
1) Dans quel cadre juridique s’inscrit la rémunération des gardiens et employés d’immeubles ?
À titre liminaire, il est utile de rappeler que les gardiens et employés d’immeubles sont légalement des salariés de la copropriété, employés par le Syndicat des copropriétaires, mais ces derniers restent fonctionnellement rattachés au Syndic selon les dispositions de l’article 31 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 :
« Le syndic engage et congédie le personnel employé par le syndicat et fixe les conditions de son travail suivant les usages locaux et les textes en vigueur.
L’assemblée générale a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois . »
Bien que le Syndic agisse en qualité de mandataire du Syndicat, c’est à lui d’assurer la maîtrise du recrutement et des modalités de travail des salariés de ce dernier. Il lui incombe donc d’organiser les conditions de travail de ceux-ci, notamment en définissant leurs tâches ainsi que leur rémunération.
Dès lors, la rémunération des salariés de l’immeuble relève du Syndic.
2) Le Syndic peut-il fixer ou modifier librement sa rémunération ?
Comme souligné plus haut, il revient au Syndic de fixer la rémunération des employés d’immeuble. En effet, en plus des exigences de la convention collective nationale du 27 avril 2009, le Syndic est tenu de respecter les dispositions du Code du travail, aussi bien dans ses dispositions générales que spéciales (art. L. 7211-1 à L. 7215-1).
Parmi les dispositions d’ordre général, l’article L. 1221-1 du Code prévoit que « le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun », ce qui implique la pleine application du principe de liberté contractuelle (art. 1102, Code civil ) dont découle le principe de liberté de fixation du salaire entre l’employeur et son salarié. Par conséquent, le Syndic reste libre de la détermination, mais aussi de la réévaluation des salaires.
La jurisprudence a d’ailleurs appliqué ces fondements généraux du droit civil à la rémunération des employés de copropriété, en indiquant qu’il relève du pouvoir du Syndic de négocier librement la rémunération du gardien, notamment en décidant d’un montant supérieur au minimum prévu dans la convention collective. C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a
« Que l’article 31 du décret du 17 mars 1967 prévoit que « le syndic engage et congédie le personnel du syndicat et fixe les conditions de son travail suivant les usages locaux et les textes en vigueur ; que l’assemblée générale a seule qualité pour fixer le nombre et la catégorie des emplois’ ;
Que même si les erreurs dans les attributions d’unité de valeur avaient pu avoir une incidence sur leur rémunération comme le prétendent les demandeurs, le syndic négocie avec le personnel le montant de la rémunération ; que le montant à verser est librement négocié à condition de ne pas être inférieur aux barèmes minimaux prévus par la convention collective. »
(C.A. Paris, 20 déc. 2017, n° 07/05670).
De surcroît, dans un arrêt constaté du 12 juin 2024, la Cour d’appel de Paris vient renforcer sa position en précisant que le Syndic ne commet pas de faute en ne modifiant pas le contrat de travail du gardien afin de supprimer un avantage qui aurait dû réduire sa rémunération.
Dans cette affaire, le Syndicat soutenait que le Syndic avait commis une faute en ne rectifiant pas le contrat de travail de l’employé, lequel prévoyait une prime d’astreinte de nuit alors qu’une telle prime ne peut désormais plus figurer dans un contrat de travail. Toutefois, le juge d’appel confirme que le Syndic peut accorder une rémunération supérieure aux minimas conventionnels et que le seul fait de ne pas avoir renégocié le contrat ne saurait constituer une faute :
« (…) que le syndic peut librement décider d’attribuer à un gardien une rémunération supérieure aux minima prévus par la convention collective et le simple fait de ne pas avoir renégocié le contrat, alors même qu’il n’est pas prétendu que le conseil syndical en aurait donné l’ordre, ne peut être constitutif d’une faute ; » (CA Paris, 12 juin 2024, n° 20/15127)
En dépit de ce cadre jurisprudentiel favorable, le Syndic reste néanmoins soumis à certaines limites.
3) Qui peut, en dehors du Syndic, contrôler la rémunération des employés de l’immeuble ?
Si le Syndic a pour fonction « d’administrer l’immeuble » (art. 18, Loi de 1965), le Conseil syndical exerce une mission permanente de « contrôle et d’assistance » du Syndic dans sa gestion (art. 21).
🔎 Dans ce cadre, le Conseil peut exiger du Syndic la communication de toute pièce ou document se rapportant à l’administration et à la gestion de la copropriété, comprenant les contrats de travail, les fiches de paie, les primes versées, les charges afférentes à la loge ou les avantages en nature ( art. 21, al. 7 ). Ainsi, en cas de doute sur l’exactitude de la rémunération du salarié, le Conseil syndical peut réclamer la communication des fiches de paie des salariés et, le cas échéant, les avenants à leur contrat portant modification de leur rémunération.
🔎 En outre, l’Assemblée générale des copropriétaires peut également procéder à un contrôle sur le même objet au cours de l’approbation annuelle des comptes (art. 14-1 et 14-2). En effet, lors du vote de l’approbation des comptes de l’exercice écoulé, les copropriétaires ont accès à l’ensemble des lignes comptables issues des comptes administratifs, incluant le compte de gestion générale et le compte de gestion pour opérations courantes faisant, l’un ou l’autre, mention obligatoire de la rémunération du personnel de la copropriété.
4) Quels sont les enseignements pratiques à retenir pour les Syndics afin de se prémunir de tout contentieux ?
Face à ces risques juridiques, nous pouvons vous délivrer trois conseils pour sécuriser vos procédures.
➡️ En premier lieu, s’agissant de la demande de communication de pièces, il convient au Syndic de répondre à la demande du Conseil syndical dans un délai d’un mois à compter de la demande formée par ledit Conseil, au-delà duquel il s’expose à des pénalités par jour de retard fixés à 15 euros (art. 2, décret n° 2020-1229 du 7 octobre 2020).
➡️ En deuxième lieu, concernant l’approbation des comptes, le Syndic doit faire figurer impérativement la rémunération annuelle des salariés avec les charges sociales correspondantes. Si les comptes sont validés, le Syndic se retrouve donc juridiquement protégé. En effet, la jurisprudence considère que l’approbation des comptes entraîne un accord exprès de la rémunération du gardien, y compris si cette dernière a fait l’objet d’une augmentation :
« [que le Syndic] peut négocier une rémunération supérieure au minimum prévue par la convention collective, sa responsabilité ne pouvant être recherchée dès lors que le syndicat a approuvé régulièrement les comptes ; »
( CA Paris, 20 déc. 2017, n° 07/05670).
« Les salaires du gardien sont intégrés aux comptes de la copropriété, qui ont été approuvés chaque année par l’assemblée générale des copropriétaires, de sorte que le syndicat des copropriétaires est mal fondé à remettre en cause le versement de la prime ; »
(CA Paris, 12 juin 2024, n° 20/15127)
➡️ En dernier lieu, en cas de contestation la prescription quinquennale s’applique (art. 2224 du Code civil et 42 de la Loi du 10 juillet 1965). Pour exemple, si ladite augmentation a débuté il ya 5 ans et que la contestation est introduite lors de l’approbation des comptes de la sixième année, l’action des copropriétaires ne pourra pas pas aboutir du fait que le juge considérera que l’approbation des cinq derniers comptes justifie de la connaissance de cette information depuis plus de 5 années (C.A. Toulouse, 27 nov. 2024, n° 22/00799).
Notre cabinet se tient bien évidemment à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches, tant en phase de prévention que dans le cadre de la gestion d’un contentieux.
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